Les échanges « Nappe – Rivière » sur le périmètre du SAGE GTI

Les échanges d’eau entre les nappes et les rivières intéressent les scientifiques depuis de nombreuses années et bon nombre de publications font référence dans le domaine. En voici quelques-unes qui intéresseront un public d’experts mais également le grand public :

Les fondamentaux

On distingue trois principaux types d’interactions entre la nappe et la rivière :

  • Soit la nappe est en relation avec la rivière et l’alimente. Le niveau piézométrique   (cote de la nappe) est supérieur à l’altitude du plan d’eau et la rivière constitue, pour la nappe, une limite imposée à condition de potentiel.
  • Soit la nappe est en relation avec la rivière et est alimentée par la rivière. Le niveau piézométrique   est inférieur à l’altitude du plan d’eau et la rivière constitue pour la nappe une limite à condition de flux.
  • Soit il n’y a pas d’interaction entre la nappe et la rivière. Le domaine n’est pas aquifère   (formations géologiques imperméables) ou les échanges ne sont pas possible à cause de berges colmatées ou d’imperméabilisation du lit par exemple.

Les relations nappes-rivière sont variables dans le temps et dans l’espace (tout le long d’un même cours d’eau) en fonction de la nature géologique et lithologique des alluvions et des terrains encaissants, des caractéristiques morphologiques du cours d’eau et de son lit, des phénomènes de colmatage et décolmatage au rythme du régime du cours d’eau, des propriétés hydrodynamiques (notamment conductivité   hydraulique) de la nappe, des positions relatives des niveaux d’eau dans le cours d’eau et dans la nappe (différence de charge induite en fonction des variations saisonnières) et de l’influence des activités anthropiques notamment les prélèvements (ou pompages) sur nappe, sur cours d’eau et leurs effets cumulés. Concernant les pompages à proximité des cours d’eau, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

  • Dans le cas où la nappe alimente la rivière, le flux d’eau de la nappe à la rivière peut être (1) réduit, voire supprimé et conduire localement à un assèchement de la rivière ou (2) inversé et c’est alors la rivière qui alimente en partie le pompage (augmentation de la filtration par les berges) ce qui induit une diminution du débit de la rivière pouvant aller jusqu’à son assèchement ;
  • Dans le cas où la rivière alimente la nappe, le flux d’eau de la rivière à la nappe peut être augmenté alors que le débit qui alimentait la nappe avant le pompage est diminué.

Sur la base de ces éléments généraux, on notera l’importance d’un travail de caractérisation des échanges nappe-rivière à différentes échelles spatiales et temporelles, pour comprendre le fonctionnement des hydrosystèmes, apprécier l’impact des activités anthropiques (pompages) et anticiper les effets du changement climatique.

Relations hydrodynamiques entre la nappe et la rivière, d’après le rapport « Contribution à la caractérisation des relations entre eau souterraine, eau de surface et écosystèmes terrestres associés en lien avec la DCE » [Vernoux J F., Lions J., Petelet-Giraud E., Seguin J.J., Stollsteiner P., Lalot E., 2011].

La prise en compte des écosystèmes associés

D’après la Directive Cadre sur l’Eau  , un écosystème terrestre est dépendant des eaux souterraines   s’il est impacté par des modifications des caractéristiques quantitatives ou qualitatives de la masse d’eau   souterraine sous l’effet de pressions anthropiques. De fait, de nombreuses nappes sont concernées à l’exception des masses d’eau captives et des masses d’eau karstiques. Le rôle des eaux souterraines   peut devenir indispensable au maintien du bon fonctionnement de l’écosystème : contribution même partielle à l’alimentation en eau, niveau d’eau à la surface d’une zone humide, écoulement d’eau à travers la zone humide, caractéristiques physico-chimiques et écologiques…
Le déficit hydrique des cours d’eau ou, plus largement, le déficit de la contribution souterraine aux eaux de surface, peut induire des impacts négatifs, voire irréversibles, sur les écosystèmes associés :

  • La fragmentation des milieux aquatiques (rupture de la continuité écologique) ;
  • L’élévation de la température de l’eau en surface ;
  • La modification de la qualité physico-chimique ;
  • La modification de la végétation aquatique ;
  • L’assèchement de linéaires ;
  • La perte de fonctionnalité de certains systèmes tels que les zones humides dans leur rôle de zones d’expansion de crues ou ralentissement des ruissellements…

Le réseau de suivi des assecs, ONDE

Pour mieux connaitre les étiages et appréhender leurs impacts sur les écosystèmes aquatiques, enjeux forts pour les pouvoirs publics tant du point de vue de la régulation des usages de l’eau en période de sécheresse que pour la limitation des impacts, l’Observatoire National Des Etiages (ONDE) a été mis en œuvre en 2012.
Le réseau ONDE a pour objectif de caractériser les étiages estivaux par l’observation visuelle du niveau d’écoulement de certains cours d’eau et constitue un outil d’aide à l’anticipation et à la gestion des situations de crise. L’acquisition des données d’étiage permet l’analyse de la situation du moment, mais également l’analyse de l’évolution des phénomènes hydrologiques dans le temps, sur du court ou moyen terme. Les chroniques d’observations intéressent également les scientifiques en hydrologie ou hydrogéologie  , pour le développement de modèles de prévision d’étiage ou la compréhension des relations nappe-rivière.
Le dimensionnement des réseaux départementaux a été défini sur la base du contexte hydrographique, et se veut représentatif des territoires où les assecs sont soit naturels, soit amplifiés par les activités anthropiques (cf. Fiche technique).
La majorité des stations du dispositif ONDE sont positionnées en tête de bassin versant   pour compléter les données hydrologiques sur les secteurs non couverts par les stations hydrométriques gérées par le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations SCHAPI (HydroPortail). Les suivis sont effectués par les agents de l’OFB selon deux modes (cf. Plaquette du protocole de terrain) :

  • Le suivi usuel, réalisé mensuellement de façon systématique, entre mai et septembre, au plus près du 25 de chaque mois (à plus ou moins 2 jours) [estimation de l’intensité des étiages estivaux d’une année par comparaison avec les années antérieures] ;
  • Le suivi complémentaire, dont la fréquence est laissée à l’appréciation es acteurs locaux, peut être activé à tout moment (y compris en dehors de la période mai - septembre) par les préfets de départements (MISE), sur décision spontanée des services départementaux de l’OFB, à l’initiative des préfets coordonnateurs de bassin, par le ministère chargé de l’environnement [gestion des situations de crise].

Le suivi ne fournit pas de mesure mais des résultats d’observation visuelle du niveau d’écoulement des cours d’eau, selon trois classes :

  • Écoulement visible : Il est continu, permanent et visible à l’œil nu.
  • Écoulement non visible : Le lit mineur présente toujours de l’eau mais le débit est nul. Généralement, soit l’eau est présente sur toute la station mais il n’y a pas de courant (dans les grandes zones lentiques, par exemple), soit il ne reste que quelques flaques sur plus de la moitié du linéaire.
  • Assec : L’eau est totalement évaporée ou infiltrée sur plus de 50 % de la station. La station est « à sec ».

La caractérisation des échanges nappe-rivière

La caractérisation des échanges nappe-rivière s’apprécie à différentes échelles en fonction de la problématique et des enjeux rencontrés : l’échelle ponctuelle (un point particulier du cours d’eau), l’échelle locale (un tronçon ou transept de cours d’eau) et l’échelle globale (bassin ou sous-bassin versant  ).
Il existe une multitude d’outils applicables à différentes échelles et dans différentes configurations. Mais toutes ces méthodes n’ont pas la même facilité de mise en œuvre et présentent chacune leurs limites. La combinaison de deux méthodes a minima est recommandée.

Grille synthétique – Configuration d’échanges prises en compte par les outils. D’après le Guide technique Interactions nappe-rivière. Des outils pour comprendre et mesurer les échanges

Le guide « Interactions nappe/rivière : des outils pour comprendre et mesurer les échanges » est accessible par le portail de l’OFB et donne les clés pour faire le choix parmi les outils proposés de la méthode la plus adaptée au contexte hydrogéologique, à l’échelle de temps et d’espace et au budget disponible.

Une série de fiches est proposée pour expliquer les méthodes quantitatives qui permettent d’estimer des débits d’échanges :

  • Fiche outils n°1 - Analyse géomatique des niveaux d’eau ;
  • Fiche outils n°2 - Modèles hydrodynamiques distribués à base physique (régionaux) ;
  • Fiche outils n°3 - Modèles hydrothermiques à base physique (locaux) et dispositifs de mesure de température et d’écoulements d’eau (très local) ;
  • Fiche outils n°5 - Géochimie.

Ainsi que pour les méthodes semi-quantitatives ou qualitatives qui permettent principalement d’identifier le sens et la localisation des échanges :

La Fiche outils n°8 expose d’autres méthodes pouvant être utilisées pour caractériser les échanges nappe/rivière notamment les méthodes géophysiques, les jaugeages différentiels, les traçages…

L’état des lieux des connaissances sur le SAGE GTI

Concernant le réseau ONDE, le département des Vosges dispose de 31 stations d’observation actives des assecs à fin 2023, dont 12 sur le périmètre du SAGE GTI .

Carte de localisation des stations d’observation ONDE (https://onde.eaufrance.fr/)

Sur le périmètre du SAGE GTI, on compte 5 stations hydrométriques actives gérées par le SCHAPI et 4 stations abandonnées. Leur répartition géographique montre 1 station sur le versant Rhône, 1 station sur le versant Meuse et 3 stations sur le versant Rhin.

Carte de localisation des stations d’observation ONDE (https://onde.eaufrance.fr/) et du SCHAPI (https://hydro.eaufrance.fr/ )

Les cours d’eau des versants Rhin (Moselle amont), Meuse, et Rhône (Saône amont) ont fait l’objet de catalogues des valeurs de « débits mensuels d’étiage et modules » respectivement en 1998, 1999 et 2001.

Sur le secteur plus particulier du bassin de Vittel-Contrexéville, plusieurs campagnes de jaugeages ont déjà été réalisées, notamment :

  • Entre 1975 et 1976, par le BRGM sur les cours d’eau Belle Fontaine et Petit Vair ;
  • A l’étiage 1988, par le bureau d’étude GEREEA pour l’AERM ;
  • Entre 1992 et 1993 sur le Vair et le Petit Vair ;
  • En juin 2001 (moyenne eaux), par le bureau d’étude SOGREAH sur le Vair, le Petit Vair et l’Anger ;
  • En 2008, par le bureau d’étude ANTEA sur l’Anger ;
  • En 2017 et 2018, par le bureau d’étude ANTEA sur le ruisseau du Moulin ou du They.

L’identification des zones d’intérêt sur le périmètre du SAGE GTI

L’analyse de la situation actuelle à la lumière des éléments connus sur le secteur du SAGE GTI, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Observatoire des ressources en eau, a conduit à identifier des zones d’intérêt sur lesquelles pourraient être mis en œuvre des outils de caractérisation des échanges nappe-rivière. L’objectif est double : obtenir les informations nécessaires à la phase de modélisation multinappes sur le périmètre du SAGE GTI et disposer sur le long terme d’indicateurs de suivi de ces échanges pour adapter le cas échéant la gestion de la ressource en eau.

Carte de localisation des zones d’intérêt pour une caractérisation des échanges nappe-rivière

Les outils de caractérisation disponibles

Parmi les méthodes les plus pertinentes à utiliser sur le périmètre du SAGE GTI, sans présager à ce stade de la faisabilité de leur mise en œuvre, on retiendra :

  • Les mesures de température. En effet, ce paramètre physique n’est pas soumis aux mêmes dynamiques de variation dans le cours d’eau et dans l’aquifère   (plus stable). Les mesures peuvent être réalisées sur des profils longitudinaux et/ou verticaux et ainsi renseigner sur l’exfiltration d’eau de l’aquifère   vers la rivière. Ces mesures, ponctuelles, étant simples à effectuer, leur multiplicité est facile à mettre en œuvre. Les moyens techniques actuels, et notamment la fibre optique, permettent des mesures simultanées le long de profils conséquents. On pourra y associer les mesures de pH pour tracer le mélange entre les eaux souterraines   et les eaux de surface.
  • Les mesures d’infiltration   directes : elles consistent en la mesure du flux traversant une section de longueur connue afin de déterminer la perméabilité   du lit du cours d’eau ou des berges.
  • Les jaugeages différentiels, réalisés, lors des périodes d’étiage lorsque le ruissellement superficiel est faible, le long des cours d’eau concernés.
  • L’analyse géomatique, qui consiste à exploiter les données de jaugeages (niveaux d’eaux superficielles) en parallèle aux mesures des niveaux de nappe (cartes piézométriques, campagne de mesure, essai de pompage).
  • Les traçages qui permettent, via des mesures de concentration, une estimation des vitesses d’écoulement dans différentes directions par rapport au point d’injection.
  • Les mesures des éléments majeurs et traces. Certains éléments comme le calcium, les chlorures ou le strontium peuvent être caractéristiques des eaux souterraines   et donc utilisés comme traceurs pour quantifier les contributions des eaux souterraines   au débit des cours d’eau. Les isotopes notamment les isotopes stables de l’eau (18O et D) peuvent être utilisés pour quantifier les mélanger.
  • Les mesures géophysiques qui permettent de distinguer les zones présentant des degrés de saturation différents (résistivité électrique, tomographie sismique, etc).
  • La modélisation hydrodynamique qui, sur la base de données de terrain acquises après la mise en œuvre des outils précédemment évoqués, permet de caractériser dans le détail (à l’échelle de chaque maille élémentaire de calcul), les échanges entre la nappe et la rivière et qui une fois calibrer et caler s’avère être un excellent outil de gestion de la ressource en eau.

Pour aller plus loin

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Grès du Trias inférieur (GTI)