Surveillance de la qualité des eaux souterraines dans le bassin ferrifère lorrain

Le suivi de l’impact de l’ennoyage   sur la qualité des eaux souterraines   des différents réservoirs miniers et des aquifères en relation avec eux est un des objectifs de la surveillance des eaux souterraines   dans le bassin ferrifère lorrain.

Exploitations minières du fer

Depuis la deuxième moitié du 19e siècle, le nord de la Lorraine a connu une importante activité minière sur le bassin ferrifère. Ce bassin est situé dans le nord-ouest du département de la Moselle, le nord du département de Meurthe-et-Moselle (Pays-Haut) et une frange dans le département de la Meuse.

L’arrêt progressif des exploitations minières puis l’ennoyage   successif des différents réservoirs miniers ont eu des conséquences sur le fonctionnement hydrogéologique du bassin tant du point de vue quantitatif que qualitatif, avec notamment la dégradation de la qualité de l’eau souterraine.

La formation ferrifère est surmontée par une formation calcaire   contenant une importante nappe d’eau souterraine : il s’agit de la nappe des calcaires du Dogger, qui est alimentée directement par la pluie. Les réservoirs miniers créés par l’homme dans la formation ferrifère sont donc alimentés par drainance   descendante par l’eau provenant de cette nappe des calcaires du Dogger, à cause de la rupture de l’écran imperméable (marnes micacées) qui séparait la formation ferrifère et les calcaires du Dogger avant le début de l’exploitation minière.

Plus d’informations dans l’article dédié aux réservoirs miniers du bassin ferrifère lorrain.

Conséquences sur la qualité de l’eau

Alors que l’eau de la nappe des calcaires du Dogger présente une faible minéralisation, les eaux qui circulent dans les anciennes mines de fer ennoyées du bassin ferrifère lorrain sont très minéralisées. Notamment, les concentrations en sulfate, magnésium et sodium dépassent très souvent les concentrations maximales admissibles pour l’eau potable.

En effet, lorsque l’exploitation d’une mine cesse, il n’est plus nécessaire de maintenir en service les pompages d’exhaure   destinés à maintenir la mine au sec, en évacuant l’eau qui s’infiltre dans la mine. Lorsque les pompes s’arrêtent, l’ennoyage   de la mine commence : l’eau s’écoulant depuis les calcaires du Dogger sus-jacents envahit les travaux miniers et les roches environnantes. L’eau d’ennoyage   entre alors en contact prolongé avec les roches de la formation ferrifère qui ont été à la fois déstructurées par l’exploitation minière et modifiées chimiquement en raison de la présence d’oxygène dans la mine. En effet, pendant la période d’activité de la mine, du gypse (sulfate de calcium) s’est formé suite à l’oxydation de la pyrite   (sulfure de fer) contenue dans les interbancs marneux de la formation ferrifère.

Prélèvement direct sur la station du Woigot (BRGM)

Lors de l’ennoyage  , la dissolution de ce gypse néoformé dans l’eau entraîne la mise en solution d’ions sulfate et calcium, ce dernier permettant à son tour par réaction d’échange cationique la libération des ions magnésium, sodium, potassium. La conséquence de ce processus est une forte augmentation de la minéralisation de l’eau d’ennoyage  , et donc une dégradation de sa qualité, puisqu’elle n’est utilisable pour l’alimentation en eau potable   qu’au prix de traitements coûteux (nanofiltration) ou grâce à la dilution avec une autre ressource en eau.

Cependant, des expériences en laboratoire ont montré que les quantités d’ions libérés dans l’eau d’un réservoir minier sont limitées : en effet, les réactions chimiques à l’origine de la formation des éléments solubles sont stoppées dès que les roches sont sous l’eau, car il y a beaucoup moins d’oxygène disponible et la pyrite   ne peut plus s’oxyder. L’augmentation de la minéralisation de l’eau est donc transitoire, jusqu’à ce que les stocks d’ions dissous dans l’eau du réservoir et le stock de gypse solide restant à dissoudre soient évacués par le renouvellement naturel de l’eau souterraine.

Une étude de modélisation réalisée par le BRGM a montré que dans la plupart des secteurs du bassin ferrifère lorrain, cette situation transitoire peut durer quelques années ou quelques dizaines d’années selon le temps de résidence de l’eau dans le secteur : l’eau retrouve ainsi naturellement une minéralisation compatible avec la distribution d’eau potable, à court ou moyen terme. Dans d’autres secteurs du bassin ferrifère, l’eau est parfois très peu renouvelée, et la minéralisation diminuera beaucoup plus lentement.

Constitution du réseau de surveillance qualitatif

Dès l’arrêt des premiers pompages d’exhaure   en 1994 a été mis en place un réseau de surveillance de la qualité des eaux souterraines   des réservoirs miniers et des aquifères avec lesquels ils sont en relation (nappe des calcaires du Dogger, nappes alluviales). Le programme de surveillance a évolué au fur et à mesure de l’ennoyage   des trois plus grands réservoirs (l’ennoyage   a débuté en 1994 pour le réservoir Centre, en 1995 pour le réservoir Sud, et enfin en 2005 pour le réservoir Nord). La zone concernée par la surveillance englobe les trois plus grands réservoirs du bassin ferrifère lorrain (Sud, Centre, Nord), ainsi que les petits réservoirs Hayange Sud et Burbach-Haupont. La gestion du réseau de surveillance est assurée depuis 1994 par le BRGM, le financement de la surveillance étant principalement assuré par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et le BRGM.

La surveillance consiste à suivre la qualité des eaux souterraines   sur une quarantaine d’ouvrages (45 en 2019) dans l’aquifère   du Dogger et du réservoir minier.

Le suivi qualitatif est particulièrement orienté vers le réservoir minier (29 stations sur les 45 du réseau). Les autres ouvrages suivent la qualité de la nappe du Dogger, la formation ferrifère non exploitée et la nappe alluviale   de la Fensch.

Installation de prélèvement d’eau souterraine (BRGM)

Objectif du programme de surveillance qualité

Parmi les objectifs du programme figurent le suivi de l’impact de l’ennoyage   sur la qualité des eaux souterraines   des différents réservoirs miniers et des aquifères en relation avec eux (Dogger et nappes alluviales).
A la suite de l’arrêt de l’extraction du minerai, l’ennoyage   des galeries minières et de la base des calcaires du Dogger a commencé, à différents moments selon les réservoirs. Le Bassin Ferrifère Nord Lorrain (BFL) se décompose en 3 sous-réservoirs :

  • le réservoir minier Sud, ennoyage   de 1993 à octobre 1998,
  • le réservoir minier Centre, ennoyage   de 1995 à mars 1999,
  • le réservoir minier Nord, ennoyage   de novembre 2005 à mars 2008.

Les différents aquifères (réservoirs miniers et calcaires du Dogger) sont suivis depuis l’arrêt des pompes d’exhaure   afin de contrôler et suivre leurs fonctionnements et l’évolution de la qualité des eaux souterraines   suite à l’exploitation minière. Les principaux éléments analysés sont :

  • des paramètres physico-chimiques,
  • des éléments majeurs dont les sulfates,
  • de plusieurs éléments traces.

Évolutions des concentrations en sulfate dans les réservoirs miniers depuis les ennoyages

D’une manière générale, les concentrations en sulfates dans les réservoirs miniers objets de la surveillance montrent des concentrations encore très supérieures à la limite de qualité de 250 mg/l.

Les résultats de la surveillance sur la période 2011-2013 mettent en évidence la poursuite de la baisse des concentrations en sulfates sur la plupart des secteurs surveillés des réservoirs. Les baisses les plus marquées concernent les parties des réservoirs miniers les mieux renouvelées en eau. Certains secteurs très confinés montrent au contraire une stabilité des concentrations.

Réservoir Sud

Après la hausse des concentrations des sulfates lors de l’ennoyage  , le suivi permet d’observer la diminution progressive des concentrations en sulfates sur l’ensemble des stations du réservoir Sud.

Concentrations maximales annuelles en sulfates du réservoir Sud (en vert : période antérieure au débordement) (Rapport BRGM/RP-63469-FR)

Réservoir Centre

Le réservoir Centre bénéficie des chroniques de suivi des concentrations en sulfates les plus longues de l’ensemble du bassin ferrifère lorrain. Les fluctuations des moyennes annuelles y apparaissent complexes. Les concentrations en sulfates à la galerie de débordement du Woigot montrent en effet des fluctuations saisonnières marquées, notamment à partir de 2006. Les concentrations présentent des hausses marquées pendant les périodes de recharge   et des baisses lors de l’étiage. Les fluctuations ainsi observées atteignent 1500 mg/l. Ces fluctuations sont dues à la nature du cuvelage de l’ouvrage, dont l’absence d’étanchéité entraine une contamination par les eaux d’infiltration   du Dogger sus-jacent.
Ces fluctuations sont donc à comparer avec les mesures effectuées sur le Chevillon, représentatives des fuites du réservoir Centre à travers un massif calcaire   fracturé. Les données y montrent une tendance plus lissée avec des cycles saisonniers moins marqués et inversés par rapport à ceux observés à la galerie du Woigot. En effet, ces cycles saisonniers sont dus au mélange entre l’eau du réservoir Centre et l’eau du Dogger au niveau des fuites : en période de recharge  , il y a plus d’eau du Dogger au point de mélange, donc la concentration en sulfate diminue.

L’analyse des concentrations en sulfates fait donc ressortir sur le réservoir Centre une grande partie Ouest sur laquelle le renouvellement de l’eau est faible à très faible induisant des tendances en sulfates très stables ; la partie Est du réservoir bénéficie d’un renouvellement de l’eau plus important qui est confirmée par les tendances à la baisse constatées sur les stations concernées.

Concentrations maximales annuelles en sulfates du réservoir Centre (en vert : période antérieure au débordement) (Rapport BRGM/RP-63469-FR)

Réservoir Nord

L’évolution des concentrations en sulfates sur le réservoir Nord est présentée dans le graphique ci-dessous à partir des données acquises sur la station de la galerie de la Paix. Cette station dispose en effet de chroniques mensuelles et est employée comme station de référence sur le réservoir Nord pour la rédaction des chroniques semestrielles.
Les concentrations en sulfates montrent sur cette station un maximum de 1990 mg/l de sulfates mesuré le 20 mars 2008. La chronique met en évidence une tendance générale à la baisse sur l’ensemble de la période 2008-2010.

Evolution des concentrations en sulfates mesurées à la galerie de la Paix (Rapport BRGM/RP-60132-FR)

Mais on constate entre 2011 et 2013, des évolutions des concentrations moyennes qui peuvent être très variables d’un point à l’autre du même réservoir, avec des tendances à la hausse pour certaines stations et à la baisse ou stable sur d’autres.

Concentrations maximales annuelles en sulfates du réservoir Nord (en vert : période antérieure au débordement) (Rapport BRGM/RP-63469-FR)

Diffusions et accès aux données qualités du bassin ferrifère lorrain

L’ensemble des données acquises dans le cadre de ce programme ont été mises à disposition du public par le biais de la banque nationale des données sur les eaux souterraines   ADES sous le code réseau 0200000013.
Les chroniques d’informations semestrielles sont également rédigées en vue d’informer les différents partenaires et usagers locaux, des évolutions constatées dans le cadre de la surveillance.

Bibliographie

Revenir en haut